Force est de constater que depuis 2 ans l’hydrogène fait l’actualité et qu’il n’y a pas un jour sans que l’on parle de cette molécule censée révolutionner notre approvisionnement énergétique sur tous les secteurs industriels. Généralement, ces articles mentionnent que « l’hydrogène est le plus petit atome et également le plus abondant, puisqu’il représente 92% des atomes de l’univers » et celui-ci n’y fait pas défaut !
Cette information, pas vraiment primordiale pour la compréhension des technologies liées à l’hydrogène est présentée dans un but commercial pour promouvoir l’hydrogène. On pourrait également dire que l’hydrogène représente environ 67% des atomes du diesel, ce qui est vrai mais n’apporte aucune information sur les propriétés de l’hydrogène. De plus ça serait beaucoup moins vendeur… Pour vraiment distinguer les avantages et les inconvénients d’une technologie, il faut savoir passer outre les idéologies et les biais cognitifs et se concentrer sur l’essentiel. Le domaine ferroviaire en est le parfait exemple.
Le diesel représente aujourd’hui 26% de l’énergie totale consommée par les TER pour 61% de leur émission de CO2. Il y a donc un potentiel de réduction de l’émission de CO2 très important à remplacer ces rames diesel.
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Electrifier oui, mais comment ?
En France, environ 16 000 km du réseau ferroviaire sont électrifiés (sur 30 000 km) à l’aide de caténaires au-dessus des rames mais ces 16 000 km représente 90% des voyageurs, la grande majorité du trafic. Autrement dit, la partie non électrifiée est constituée d’un réseau secondaire peu utilisé. Le coût d’électrification de ces réseaux est situé entre 350 000€ et 1,5 M€/km en France. C’est un investissement considérable, surtout s’il doit être pris par les régions concernées. Une solution pour décarboner ce transport si l’on ne souhaite pas réaliser ces investissements c’est de remplacer les locomotives diesel par des locomotives électriques (batteries ou hydrogène).
S’il est difficile à l’heure actuelle d’évaluer précisément les avantages et les inconvénients d’une technologie par rapport à l’autre, au regard de l’économie verte souhaitée par l’Union Européenne et des investissements sur la technologie hydrogène, cette dernière semble particulièrement séduisante. De nature très conservatrice, l’industrie ferroviaire est résistante aux changements et est généralement lente à adopter de nouvelles technologies. C’est à la technologie de prouver qu’elle peut s’installer sur la durée sur des bases financières et écologiques saines.
Depuis les années 2000, la technologie de propulsion hydrogène a fait des émules. Le premier train hybride électrique/hydrogène a vu le jour au Japon en 2006 alors que le premier train transporteur de passagers est arrivé au Royaume-Unis en 2012. En 2015 la Chine inaugure la première station de tram à Qingdao. Maintenant c’est au tour de l’Allemagne et plus particulièrement de la région Schleswig-Holstein, à la frontière du Danemark, de développer 1 100 km de réseau pour des trains fonctionnant avec des piles à combustibles. L’électricité utilisée pour générer l’hydrogène viendrait principalement (excusez du peu) des 63 GW de puissance éolienne installée Outre-Rhin, qui serait donc considérée comme « verte » au vu des 12g CO2eq/kWh qu’émet cette source énergétique.
En France la propulsion hydrogène va permettre de remplacer les locomotives diesel. A ce titre, 14 rames Régiolis H2 ont été commandées à Alstom par 4 régions (Occitanie, Grand Est, Auvergne Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté) en 2025 pour un coût total de 231 M€. Ces rames pourront transporter 220 passagers à 160 km/h sur 600 km. Le coût unitaire de ces rames est par contre plus important qu’une rame classique : 17 M€ pour une rame H2 contre 5 à 6 M€ pour une rame électrique. L’investissement sera supporté majoritairement par les régions (168 M€) et l’état dans une moindre mesure (47 M€). La SNCF et Alstom compléteront chacun à hauteur de 8 M€.
Une filière à développer
En plus des locomotives propulsées à l’hydrogène, il faut développer tout un réseau d’acheminement de l’hydrogène pour alimenter les différentes stations de recharge de ces locomotives. Cela impose de repenser les technicentres SNCF pour accueillir ces nouvelles technologies (piles à combustibles, réservoirs, équipements compatibles, équipements de lutte contre les incendies etc.). De plus pour l’instant la majorité de l’hydrogène produit en France l’est à partir de vaporeformage du méthane qui est très émetteur de CO2. Il est donc intéressant de remplacer les locomotives diesel par des locomotives hydrogène uniquement si ce dernier est produit à partir de sources renouvelables et peu émettrices en CO2. C’est d’ailleurs un des leitmotivs de notre blog : l’hydrogène n’est aussi vert que la source qui le produit !
Un autre point important à développer est celui de la sécurité. Actuellement, les normes sécuritaires quant à l’utilisation de l’hydrogène dans un environnement complexe comme celui du ferroviaire sont encore en cours de développement et il y a pourtant beaucoup à faire, que ce soit au niveau des atmosphères explosives, prévention incendie ou encore de la lutte incendie. Ce manque de clarification sur les normes est un frein au développement des activités de R&D nécessaires pour une telle technologie. Cependant, on peut avoir bon espoir car des acteurs comme la fédération Syntec et ses membres (dont Ametra fait partie) se réunissent régulièrement pour discuter des directions à emprunter pour la structuration de la filière hydrogène de façon générale.
Finalement, un des principaux verrous à surmonter est celui du développement des compétences hydrogène au niveau des gestionnaires des voies ferrées, des mécaniciens et plus généralement de tout le personnel qui aura à travailler en contact avec ces équipements. C’est un des problèmes majeurs actuellement, même au-delà de la filière ferroviaire, il y a un manque de compétences dans ces nouvelles technologies. Si on souhaite y arriver, il sera nécessaire de former plusieurs corps de métier, dont les futurs ingénieurs à ces technologies et leurs particularités.