Si la 53e édition du Bourget avait été marquée par la présentation de la maquette du futur avion de combat européen, le Next Generation Fighter, le Système de Combat Aérien du Futur (SCAF) suscite de nombreux échanges enflammés ces derniers mois. Pour rappel, le NGF est destiné à remplacer les Rafale et Eurofighter d’ici à 2040, et l’un des gros enjeux du SCAF est de développer un système complet de combat connecté et sécurisé capable de dialoguer avec un grand nombre de systèmes.  

Pour y parvenir, les industries européennes de Défense ont uni leurs forces et leurs capacités technologiques, à commencer par l’Allemagne et la France. C’est de cette alliance initiale que naissent les problématiques actuelles, car elle pose de nombreuses questions diplomatiques et technologiques.  

Il faut dire que coopérer dans ce secteur n’est pas évident, les intérêts étatiques et des entreprises impliquées (en particulier Dassault, maître d’œuvre du projet, et Airbus Defense) étant parfois difficilement conciliables.  

A l’heure actuelle, la question de la fabrication du démonstrateur est ainsi au cœur d’un débat qui replace la souveraineté nationale et la question du savoir-faire technologique au centre des discussions. 

Comment “ouvrir” l’accès aux technologies nécessaires à ce démonstrateur sans compromettre ce qu’une entreprise ou un état estime être une ressource précieuse ? C’est ainsi que Dassault se refuse à donner accès aux technologies propres mises en œuvre pour cette phase délicate du projet SCAF. De son côté, l’Allemagne estime que sans ce transfert, elle ne pourra pas développer de nouveau ce matériel, alors qu’elle finance une partie du projet. 

On le voit alors : diplomatiquement, technologiquement et d’un point de vue purement lié à la propriété intellectuelle dans le secteur de l’industrie, il est difficile de remettre en question les points avancés par les différentes parties prenantes au programme.  

Je ne crois pas que le processus vital est engagé, mais je ne vais pas vous dire que le malade n’est pas dans un état difficile” a d’ailleurs déclaré Eric Trappier lors de la présentation des résultats de Dassault Aviation le 5 mars. Y aller seul, est-ce possible du côté de Dassault ? Techniquement oui : « Dassault sait faire des avions (…), Safran sait faire des moteurs d’avions de combat (…) et Thales* sait à peu près faire des radars et des contre-mesures et un certain nombre d’équipements optroniques », rappelle Éric Trappier. « Et si je rajoute MBDA pour les missiles, la réponse est techniquement oui » en précisant que ce serait alors « une décision politique ».  

Dans les faits, la recherche d’un compromis revient régulièrement dans l’actualité afin de parvenir à un accord signé pour la phase 1B du programme. Comme le relaie le site Air-Cosmos.com, “le SCAF est un élément essentiel au plan politique et industriel de la capacité européenne aéronautique future dans la défense. Il est donc de ce fait un instrument essentiel de l’affirmation de l’Union européenne sur la scène internationale, et ce au moment où le monde est en train de se structurer autour d’une confrontation entre la Chine et les États-Unis. “ 

Le sujet délicat de la répartition des IPR (Intellectual Property Rightsse trouve d’autant plus accentué que l’Espagne et l’Italie ont ou vont rejoindre le projet (le groupe italien Leonardo ayant été “invité” par l’Allemagne à y prendre part, via une prise de participation de 25,1% dans la société Hensoldt). 

Reste que malgré les difficultés, ces derniers jours montrent que la coopération demeure un sujet de préoccupation centrale : Safran Aircraft Engines, MTU Aero Engines et ITP Aero viennent d’ailleurs de finaliser un accord pour le développement, la production et le soutien communs du moteur du futur NGF.   

*Safran, MUT Aeor Engines, Thales et MBDA participent aussi au projet SCAF, qui comprend un chasseur, des drones et le système de systèmes “Air Combat Cloud” 

© Dassault Aviation / Eridia Studio / V. Almansa