La récente signature d’une commande de 42 avions Rafale par l’Indonésie a remis sur le devant de la scène l’importance des compensations industrielles avec les pays acheteurs.
L’offset impacte directement l’ensemble des PME qui accompagnent les grands donneurs d’ordres industriels : mais est-ce une opportunité pour ces entreprises ou, comme le craignent certains dirigeants d’entreprises de taille modérée, une aventure audacieuse au retour sur investissement douteux ?
Petit rappel : le mécanisme offset, un processus très encadré de compensation industrielle
L’offset fait référence à un marché de compensation, par lequel une société qui vend ses produits à un pays s’engage à réinvestir une partie de la valeur déboursée sur ce même territoire (50% dans le cas des Rafale en Inde).
Comme le souligne cet article d’Usine Nouvelle, “les exigences de compensations industrielles, ou offsets, occupent une place croissante dans la négociation des grands contrats. (…). Dans le seul secteur de la Défense, le montant global des offsets a progressé de 25 % entre 2012 et 2016, pour représenter près de 2,5 % des dépenses militaires. Pour décrocher le contrat de 36 avions Rafale en Inde, Dassault a dû s’engager à réinvestir 50 % de sa valeur dans le pays, sous forme de fabrication locale et d’approvisionnement auprès de sous-traitants indiens”
Ce système a un impact direct sur tous les fournisseurs du vendeur, qui se voient inclus dans le système en ayant eux-mêmes des obligations de se positionner sur le territoire indien.
Se “contenter” de créer un bureau commercial n’est pas compatible avec les exigences de compensations industrielles : c’est bien la fabrication qui doit être implantée sur le territoire afin d’encourager des retombées économiques, montées en compétences technologiques et créations d’emplois.
Par exemple, dans le cas des Rafale, le mécanisme d’offset permettra entre autres de faire monter en compétences des techniciens et ingénieurs indiens, qui sauront demain concevoir des commandes de vol du Rafale.
Ces opérations s’effectuent dans un cadre très précis et extrêmement encadré, soumis à des évolutions fréquentes.
L’offset pour les PME françaises : bonne ou mauvaise idée ?
Ces marchés représentent-ils des opportunités pour les PME ?
La réponse est oui !
S’implanter dans un pays dans le cadre d’un marché offset répond aux besoins des clients industriels, y compris pour les projets en France.
Allons même plus loin : ne pas le faire est dangereux stratégiquement, car il y a un risque réel de se voir déréférencé, y compris pour de la fabrication purement française.
La plupart des clients industriels importants ont cette obligation d’aller à l’étranger et attendent par conséquent une implantation de leurs fournisseurs. Gaches Chimie s’est d’ailleurs lancé en Inde pour cette raison précise : “En tant que partenaire et fournisseur des usines de Dassault et de tous leurs sous-traitants en France depuis de nombreuses années, nous les avons suivis en Inde pour assurer la logistique locale (approvisionnement, stockage et relivraison en Inde) de tous les produits utilisés sur les programmes pour livrer DRAL et une dizaine de sous-traitants en Inde”.
Au-delà de l’accompagnement des grands industries, les avantages de l’offset pour les PME sont nombreux :
- conquête potentielle d’un nouveau marché ;
- renforcement de sa position auprès des clients français ;
- développement du CA auprès des mêmes clients grâce à la production dans un autre pays.
De plus, et c’est un atout non négligeable, une PME qui s’implante dans un pays concerné par l’offset va pouvoir sourcer localement sur l’ensemble de ses projets, bien souvent de manière compétitive (baisse de coûts/gain de compétitivité).
En résumé, ce choix agit à 3 niveaux :
- continuer à gagner des affaires en France,
- faire du CA par ce biais,
- générer du CA supplémentaire sur le territoire étranger.
Cela explique notamment que la filière dans son ensemble, via le GIFAS ainsi que différentes organisations très actives, s’organise pour accompagner et conseiller les PME dans leur démarche d’implantation. Ces dernières peuvent s’appuyer sur tout un réseau d’entreprises françaises déjà implantées à l’étranger.
Ametra est déjà présente en Inde depuis plusieurs années
Le groupe Ametra s’est lancé en Inde de cette manière, en participant à un voyage organisé par le GIFAS en avril 2018. Parallèlement à ce déplacement, un consultant franco-indien a été missionné pour sélectionner un partenaire industriel indien de confiance : son accompagnement pour le screening, les visites et le choix final a été essentiel.
Ametra s’est ensuite entourée d’un autre consultant spécialiste en création de joint ventures et en commerce international, afin de bien négocier avec le partenaire local retenu.
Comme le rappelle cet article des Echos, « prendre un partenaire indien à 51 % n’était pas une obligation, mais c’était la solution la plus simple, raconte la PDG d’Ametra. Nous avons défini nos critères : nous voulions une entreprise avec un savoir-faire et une taille comparable à Ametra, disposant des habilitations aéronautiques et de défense et avec une culture d’entreprise familiale, proche de la nôtre ».
© groupe Ametra – Inauguration de l’usine de production Nucon – Ametra à Hyderabad
A chaque PME de trouver son parcours, qu’il soit “classique” ou non. S’en remettre à des professionnels qui connaissent déjà bien ce type d’implantations et les pratiques locales est une excellente option !
Reste ensuite, bien sûr, à bien gérer son internationalisation et sa manière de travailler avec l’Inde.
D’autres entreprises françaises se sont lancées avec succès. C’est le cas de Sefiam, filiale du groupe Turgis & Gaillard, qui produit des équipements pour le soutien des avions de combat : “lorsque Dassault Aviation, notre client historique, a conclu la vente de Rafale en Inde, nous y avons vu l’opportunité de faciliter l’internationalisation de notre entreprise. En effet, il nous a semblé plus simple de nous lancer dans un développement à l’étranger en étant intégré dans ce vaste contrat, qui implique les plus grandes entreprises françaises du secteur aéronautique.
Cet investissement en Inde a rempli deux objectifs: d’une part, offrir un service supplémentaire pour nos clients, en participant à leurs obligations de création de valeur ajoutée locale. D’autre part nous ouvrir les portes de ce vaste marché, en facilitant les prises de contact avec des partenaires industriels et de nouveaux clients.
Au final, ce fut un moyen commode et bien optimisé de démystifier l’international, de nous faire gagner de nouvelles compétences et de faire croître notre volume d’activité.”
Démystifier le grand export, adresser de nouveaux marchés locaux, sourcer à prix compétitifs, générer du chiffre d’affaires en France comme à l’étranger et renforcer sa relation avec les grands industriels : l’offset est sans conteste un puissant levier de développement pour les PME françaises.
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