Le conflit en Ukraine, accélérateur d’une Défense européenne commune longtemps lente à se mettre effectivement en place ? C’est ce qui se dessine depuis quelques semaines. 

Des réactions rapides et inédites au niveau de l’UE et de ses Etats-membres

L’invasion russe perpétrée depuis le 24 février est venue interroger du jour au lendemain la capacité de l’Union à se positionner lorsqu’un conflit armé éclate dans son voisinage immédiat. Ses Etats-membres ont pris des décisions et actions communes inédites jusqu’alors. 

La première et plus notable d’entre elles reste l’annonce de la Commission Européenne de l’utilisation d’une enveloppe de 450 millions d’euros « pour fournir aux forces ukrainiennes des armes létales, ainsi que du carburant, des équipements de protection et des fournitures médicales ». Josep Borrell, chef de la diplomatie européenne, s’est exprimé en ces termes : c’est la fin d’un « tabou voulant que l’Union ne fournisse pas d’armes à des belligérants ».

La décision a été aussi inédite que rapide : 3 jours seulement après le début du conflit, un accord a été trouvé au niveau européen pour soutenir les forces ukrainiennes.

Certains Etats membres eux-mêmes ont surpris par leurs prises de position et l’Allemagne en est l’exemple le plus frappant. 

Après des décennies de refus de livraison d’armes en zone de conflit et une tradition pacifiste non interventionniste, Berlin a accepté de fournir des missiles et lance-roquettes antichars… tout en renforçant son budget de modernisation de sa propre armée (100 milliards d’euros supplémentaires), doublé d’une contribution de plus de 2% de son PIB dédiée à la Défense – ce que la France a également décidé. 

Dans le même esprit, la Suède, pourtant attachée à sa politique de neutralité, a promis l’envoi de lance-missiles en Ukraine. 

Plus de moyens communs et individuels, ainsi des tournants radicaux dans les politiques et postures qui prévalaient depuis des années : pas de doute, le conflit entre la Russie et l’Ukraine vient questionner l’Europe à tous ses niveaux. 

La politique de Défense commune est ancienne, mais la guerre en Ukraine lui redonne des couleurs longtemps attendues

Finie la Belle au bois dormant?” s’interroge La Tribune. Les semaines qui ont suivi le début de la crise ont en effet vu s’accélérer les initiatives européennes en matière de Défense, en particulier l’adoption d’une “boussole stratégique”. 

C’est la 1ère fois que l’Union se dote de ce type de cadre, avec une liste d’actions très concrètes (autour des thèmes “agir, sécuriser, investir, coopérer”). Il est toutefois important de noter que la boussole stratégique ne marque pas de rupture avec la clause de défense collective européenne, qui reste largement inexploitée, là où l’OTAN conserve une position importante (les Etats renforcent d’ailleurs leur dispositif militaire dans le cadre de cette alliance).

Ce dernier point tend à évoluer. Pour la 1ère fois de son histoire, l’Union Européenne va avoir recours à la Facilité européenne pour la paix (2021) afin de financer l’envoi de matériel militaire, y compris des armes létales, en complément d’une série de sanctions décidées par les 27.

La crise ukrainienne ouvre clairement la voie à une Défense européenne plus proactive et concrète qu’elle ne l’a jamais été dans l’Histoire. Cela pose bien sûr un grand nombre de défis et de questions, mais l’évolution rapide des postures, budgets et choix des Etats-Membres comme des institutions communes laisse à penser qu’un mouvement fort est en marche.