En juillet 2020, la Commission Européenne a affirmé sa volonté de promouvoir une économie hydrogène. Combiné avec l’introduction du concept d’avions ZEROe d’Airbus, l’hydrogène a plus que jamais le vent en poupe.
Au-delà des attentes dans le domaine aéronautique, l’hydrogène intéresse d’autres secteurs comme le naval, régulièrement épinglé pour la pollution engendrée par ses plus gros navires.
Dans le domaine naval, l’hydrogène promet également une diminution des émissions de CO2 et une diminution de la pollution née du recours aux carburants fossiles comme le fioul lourd utilisé, entre autres, par les plus gros navires.
L’industrie navale fait actuellement appel à une grande variété de combustibles allant du SP98 au fioul lourd en passant par des « diesels marine léger » (DML)[1]. Le fioul lourd est particulièrement visé car sa combustion engendre des émissions de particules fines et de dioxyde de soufre SO2, responsable de pluies acides et de maladies pulmonaires.
Ces dernières années, les nouvelles régulations essayent de diminuer l’utilisation de ce combustible, tout en ouvrant la voie à d’autres alternatives comme le gaz naturel liquide, le méthanol ou encore l’hydrogène[2]. Comme pour le kérosène des avions, l’hydrogène pourrait ainsi être amené à remplacer une partie des combustibles utilisés dans l’industrie marine dans les décennies à venir.
De même que pour le domaine aéronautique, hormis la production de l’hydrogène, le plus grand verrou technologique sera l’implémentation de systèmes de stockage de l’hydrogène pour assurer une autonomie suffisante à l’utilisation.
Le domaine naval bénéficie de contraintes de masse amoindries par rapport au domaine aéronautique, mais il subit les mêmes limitations technologiques au niveau du stockage. Pour aller plus loin, nous vous invitons à regarder notre webinaire dédié à cette thématique.
Les besoins en puissance de l’industrie navale sont très variables, allant de la centaine de kW (similaire à la Toyota Miraï) pour des petites embarcations jusqu’à la centaine de MW pour les plus gros navires de croisière[3]. Devant ce constat, il est évident que les technologies de stockage et les contraintes associées ne seront pas les mêmes pour ces navires.
L’hydrogène comprimé, une option intéressante pour les embarcations à faible puissance
Là où le domaine aéronautique peut difficilement imaginer un stockage de l’hydrogène sous une forme moins dense que l’hydrogène liquide (LH2), il est possible pour le secteur naval d’envisager le stockage d’hydrogène sous forme de gaz comprimé (GH2) à 350 ou 700 bar qui est une technologie plus mature que le LH2 pour l’embarqué.
Le stockage d’hydrogène sous forme comprimée permet également de simplifier les contraintes en termes de fuites d’hydrogène et de montée en pression que le stockage sous forme liquide doit considérer avec beaucoup d’attention.
Au niveau de l’approvisionnement, il est plus facile de concevoir d’alimenter une embarcation avec de l’hydrogène comprimé qui peut être directement produit par un champ photovoltaïque ou éolien, un électrolyseur et un compresseur. L’hydrogène comprimé est de ce côté plus versatile car il ne dépend pas d’une unité de liquéfaction et ne dépend pas non plus forcément d’infrastructures lourdes de stockage à terre.
Le Navire HYLIAS alimenté en hydrogène
Le désavantage du GH2 est l’autonomie plus faible qui en découle pour l’embarcation par rapport à du LH2. C’est donc une solution adaptée pour des embarcations de petite puissance. L’utilisation de l’hydrogène comprimé comme source énergétique embarquée a été retenue par de nombreux acteurs, parmi lesquels le projet HYLIAS qui souhaite mettre à l’eau un navire capable de transporter 170 passagers dans le golfe de Morbihan en 2023. Ce bateau est alimenté par des réservoirs d’hydrogène comprimé à 350 bars pour une puissance propulsive totale de 500 kW[4].
A une échelle plus petite, on retrouve le projet d’un bateau de plaisance (Hynova 40) de 12 mètres construit à Marseille et fonctionnant également à l’hydrogène comprimé [5], ou encore le projet d’un bateau-taxi à Rotterdam [6]. Ces bateaux embarquent au plus quelques centaines de kilogrammes d’hydrogène et doivent être rechargés assez souvent.
C’est une option intéressante pour des navettes, taxi et autres faibles puissances, mais moins pertinente pour les plus grosses puissances ou si les besoins d’autonomie sont plus importants.
Une autre approche : l’hydrogène liquide
Le principal avantage du LH2 par rapport à l’hydrogène comprimé est sa densité énergétique supérieure (70 kg/m3 par rapport à 20-40 kg/m3 pour du GH2 à 350-700 bar), qui permet d’accroître l’autonomie de l’embarcation.
Les principaux inconvénients sont la nécessité de mettre en place une infrastructure de remplissage ou de transport de l’hydrogène liquide jusqu’au point de recharge. Le système de distribution de l’hydrogène du réservoir jusqu’à son utilisation (piles à combustible ou moteur hydrogène) est également différent et il faudra souvent mettre en place des échangeurs de chaleur, cryopompes ou compresseur pour conditionner l’hydrogène avant son utilisation. L’hydrogène liquide étant de plus en ébullition permanente à l’intérieur du réservoir, il nécessite de s’assurer que la pression à l’intérieur ne monte pas au-delà d’une valeur consigne de sécurité.
De nombreux projets ont fait le choix de l’hydrogène liquide. Parmi eux, on retrouve le projet norvégien HySHIP [7]. Fruit d’un consortium de 14 partenaires, le navire norvégien issu de ce projet embarque une pile à combustible de 3 MW alimentée en hydrogène liquide et une batterie de 1 MWh. La production d’hydrogène liquide sera réalisée à Bergen (Norvège) par des énergies renouvelables à terme[8]. Ce navire servira à la fois au transport de marchandises ainsi qu’à la distribution d’hydrogène liquide dans les hubs des fjords norvégiens pour, in fine, alimenter d’autres systèmes consommateurs d’hydrogène.
D’autres entreprises s’intéressent au LH2 comme LMG Marin qui souhaite développer un ferry alimenté par un réservoir d’hydrogène liquide d’une contenance de 5.6 tonnes pour 2021 [9]. Finalement, PowerCell travaille à la conception d’un groupe de piles à combustible d’une puissance de 3 MW à destination d’un navire de croisière alimenté en hydrogène liquide [10].
Le savoir-faire d’Ametra en matière de stockage d’hydrogène
Que ce soit sous forme gazeuse, liquide, voire chimique (sous forme de méthanol), l’intégration croissante du vecteur d’énergie hydrogène dans le domaine maritime se fera probablement à partir d’initiatives de ce genre couplées à la création d’unités de production d’hydrogène vert pour réaliser un maillage national ou régional de distribution et de stockage d’hydrogène.
Les candidats au marché des technologies de l’hydrogène ont donc tout intérêt à se concentrer sur des briques technologiques essentielles à la démocratisation de ce vecteur énergétique.
Dès le début de l’année 2019, Ametra a commencé des études de faisabilité sur le développement des applications hydrogène à travers son équipe R&D, Ametra Research. Le point d’orgue fut la présentation de son savoir-faire en matière de simulation lors de la conférence Euronaval en Octobre 2020. Actuellement, Ametra Research travaille au plus près des problématiques actuelles : un projet de démonstrateur d’un réservoir de LH2 innovant permettant, entre autre, un allégement de la masse du réservoir, le rendant attractif pour de nombreuses applications.
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Ressources utiles et références
[1] « Carburants marins : les carburants dédiés au transport maritime », – Total.fr, juill. 15, 2019
[3] « Symphony of the Seas », Wikipedia
[4] « Hylias : un bateau à hydrogène pour le golfe de Morbihan en 2023 »
[5] « Hynova 40, the first production hydrogen-powered pleasure boat », BoatsNews.com
[6] « Rotterdam : un bateau-taxi à hydrogène en 2021 »
[7] « HySHIP hydrogen project secures EU funding », Offshore Energy
[8] F« Norway: New Hydrogen Facility at Mongstad », FuelCellsWorks
[9] « LMG Marin : le premier ferry à hydrogène liquide en construction », Mer et Marine, juill. 08, 2020
[10] M. TORREGROSSA, « Norvège : un navire de croisière à hydrogène pour les Fjords »