Les carburants d’aviation durables (Sustainable Aviation Fuels, SAF) sont des carburants liquides utilisés dans l’aviation commerciale qui réduisent les émissions de CO2 jusqu’à 80 %. Leur rôle est donc particulièrement important dans le cadre des initiatives visant à décarboner l’aviation.
Sustainable Aviation Fuels : de quoi parle-t-on concrètement ?
Les SAF sont des carburants produits à partir de sources renouvelables, telles que les déchets agricoles, les algues ou les huiles végétales, les déchets verts, les cultures non alimentaires… Ils peuvent également être produits synthétiquement par un processus de capture de carbone dans l’air.
Ces carburants présentent plusieurs avantages par rapport aux carburants fossiles :
- Ils ont un impact environnemental réduit, car ils génèrent moins d’émissions de gaz à effet de serre.
- Ils sont plus sûrs et plus stables que les carburants fossiles.
- Ils peuvent être facilement mélangés aux carburants fossiles, ce qui permet une transition progressive vers une aviation plus durable (note : les SAF peuvent être mélangés avec des limites de 10% à 50% selon la matière première et la manière dont le carburant est produit).
Procédé de production des SAF
Les SAF sont produits par un procédé de transformation des matières premières renouvelables en carburants liquides. Ce procédé peut être divisé en trois étapes principales :
- La conversion des matières premières, qui consiste à transformer les matières premières renouvelables en un biocarburant liquide. Cette étape peut être réalisée par différentes technologies, telles que la pyrolyse, la fermentation ou l’hydrotraitement.
- La désulfurisation, qui consiste à éliminer le soufre du biocarburant. Cette étape est nécessaire pour garantir la conformité des SAF aux normes de qualité des carburants fossiles.
- Le mélange, qui consiste à mélanger les SAF aux carburants fossiles. Le taux de mélange dépend des spécifications du carburant final.
L’Europe et les Etats-Unis investissent massivement
L’adoption des SAF est stratégiquement importante car elle offre un moyen de commencer à réduire progressivement l’empreinte carbone des voyages aériens à court terme.
Leur utilisation est encouragée par les législations et réglementations en vigueur. Aux États-Unis, l’administration Biden a lancé un défi gouvernemental en septembre 2021 pour fournir au moins 3 milliards de gallons de SAF par an d’ici 2030 et avoir suffisamment de SAF d’ici 2050 pour répondre à 100 % des besoins en carburant d’aviation.
En Europe, la législation « ReFuel EU Aviation » récemment adoptée par le Parlement européen vise à promouvoir l’utilisation de carburants durables dans l’aviation civile. Elle envoie un signal fort en imposant des quotas de SAF dans les aéroports européens, débutant avec au moins 2 % en 2025, 6 % en 2030, et visant 70 % en 2050.
La législation s’inscrit dans le cadre plus large du Pacte Vert pour l’Europe, visant à réduire de 55 % les émissions nettes de gaz à effet de serre d’ici 2030 par rapport à 1990. Cependant, les défis restent significatifs, notamment en ce qui concerne le coût des SAF, leur disponibilité, et l’équilibre concurrentiel pour les fournisseurs et les compagnies aériennes. Safran notamment joue un rôle clé dans la mise en œuvre de cette législation, en s’attaquant aux défis technologiques et commerciaux et en facilitant les discussions entre les différents acteurs impliqués. En outre, les carburants de synthèse, ou e-fuels, sont également inclus dans le texte de la législation, avec un objectif d’au moins 1,2 % d’ici 2030
Pourquoi de telles injections d’argent public ? Le développement d’un marché viable pour les SAF est soutenu à différents niveaux pour favoriser :
1) la demande ;
2) l’innovation tant dans les matières premières que dans les moteurs d’avion ;
3) une offre fiable et abordable, tant nationale qu’internationale, en réduisant les risques des investissements le long de la chaîne de valeur des SAF.
Un risque de déséquilibre entre UE et Etats-Unis ?
Il existe un risque de déséquilibre concurrentiel entre l’industrie aéronautique européenne et américaine, du fait des aides financières supérieures accordées par les États-Unis.
Les investissements annoncés par l’Europe et les USA dans le développement des SAF représentent, en termes de pouvoir d’achat, une différence d’environ 15%.
Ce différentiel pourrait avoir plusieurs conséquences pour l’industrie aéronautique européenne :
- Un avantage compétitif pour les constructeurs américains : les constructeurs américains auront un accès plus facile aux SAF, ce qui leur permettra de réduire leurs coûts de production et de devenir plus compétitifs sur le marché international.
- Une diminution de la compétitivité des compagnies aériennes européennes : les compagnies aériennes européennes devront payer plus cher pour les SAF, ce qui pourrait entraîner une augmentation de leurs coûts d’exploitation et une diminution de leur compétitivité.
- Un ralentissement du développement des SAF en Europe : les entreprises européennes de production de SAF pourraient avoir des difficultés à concurrencer les entreprises américaines, ce qui pourrait ralentir le développement du marché des SAF en Europe.
Ce risque de déséquilibre concurrentiel a été souligné par plusieurs organisations, dont la Commission européenne et l’Association des constructeurs de l’aéronautique et de l’espace (AIA).
La Commission européenne a lancé une consultation publique sur la question des aides publiques aux SAF. L’AIA a appelé l’Union européenne à augmenter ses investissements dans le développement des SAF afin de réduire le risque de déséquilibre concurrentiel.
Il est encore trop tôt pour dire si ce risque de déséquilibre concurrentiel se concrétisera. Cependant, il est clair que les aides financières accordées par les États-Unis pourraient donner un avantage significatif à l’industrie aéronautique américaine.
Le point sur les défis à relever pour les industriels et ingénieurs
Pour le moment, ces carburants sont produits en petites quantités et sont beaucoup plus coûteux que les carburants d’aviation conventionnels.
De plus, la mise en place d’infrastructures adaptées et le développement de technologies pour augmenter la production de SAF à grande échelle constituent des défis importants.
L’impulsion vers les carburants d’aviation durables (SAF) a plusieurs implications pour les bureaux d’études et la filière d’ingénierie industrielle, en particulier ceux qui travaillent pour la filière aéronautique :
1. Innovation et développement de produits : avec l’augmentation de la demande pour les SAF, il existe un besoin croissant d’innovation dans le développement de nouveaux procédés de production, de nouvelles matières premières, et d’amélioration des rendements. Les bureaux d’études et les ingénieurs seront en première ligne pour concevoir et optimiser ces nouvelles technologies.
2. Conception et adaptation des moteurs : les moteurs d’avion peuvent nécessiter des ajustements ou des conceptions entièrement nouvelles pour fonctionner de manière optimale avec les SAF ou les mélanges de SAF. Cela implique une réflexion approfondie sur la compatibilité des matériaux, la performance thermique et la durabilité.
3. Infrastructure et logistique : la distribution et le stockage des SAF présentent des défis uniques par rapport aux carburants d’aviation traditionnels. Les ingénieurs industriels seront essentiels pour développer des infrastructures logistiques adaptées aux spécificités des SAF, de leur production à leur livraison dans les aéroports.
4. Réglementation et certification : avec l’introduction de nouvelles réglementations sur les SAF, les bureaux d’études doivent veiller à ce que les produits et processus qu’ils développent soient conformes. Cela peut nécessiter une expertise en matière de certification et une compréhension approfondie des cadres réglementaires.
5. Durabilité et analyse du cycle de vie : les BE doivent intégrer des considérations de durabilité dans leurs conceptions, en analysant l’impact environnemental des SAF tout au long de leur cycle de vie. Cela peut inclure l’évaluation des émissions de gaz à effet de serre, l’utilisation de l’eau et l’impact sur la biodiversité.
6. Collaborations intersectorielles : la transition vers les SAF nécessite une collaboration étroite entre différents secteurs, notamment l’agriculture, la chimie, l’énergie et l’aviation. Les ingénieurs doivent donc être capables de travailler dans des équipes interdisciplinaires et de comprendre les enjeux de secteurs variés.
7. Formation et compétences : avec l’émergence de nouvelles technologies et pratiques, les ingénieurs ont de plus en plus besoin de se former continuellement pour rester à la pointe du progrès dans ce domaine.
En résumé, l’accent mis sur les SAF représente à la fois un défi et une opportunité pour les bureaux d’études et la filière d’ingénierie industrielle dans l’aviation. On constate déjà un besoin accru d’innovation, de conception adaptative, de développement d’infrastructures et de compétences en matière de réglementation et de durabilité.
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