Le 8 Juillet 2020, l’union Européenne a appelé de ses vœux la création d’une économie de l’hydrogène. À l’heure d’une nouvelle crise énergétique et environnementale, les promesses de l’hydrogène sont en effet nombreuses : énergie propre et renouvelable, décarbonisation de secteurs entiers, émergence de nouvelles mobilités moins polluées et autonomie énergétique. Ces promesses doivent être supportées par les technologies ad-hoc.
La pile à combustible : technologie ancienne ?
Pour transformer ces promesses en réalité, il y a cependant de nombreux verrous industriels à lever. La fabrication et l’utilisation de l’hydrogène ne date toutefois pas d’hier, l’élément est découvert (formellement) au XVIIème siècle et la pile à combustible (PàC) permettant de transformer l’hydrogène en électricité est inventée en 1838 par Francis Bacon.
Pourtant, si le principe de fonctionnement est resté le même, les technologies d’hier et d’aujourd’hui sont bien différentes et de nombreux industriels cherchent encore à l’améliorer pour réaliser les promesses de l’hydrogène susmentionnées. La diminution de la quantité de platine dans une PàC (il y a actuellement une quantité similaire de platine dans une PàC pour automobile et dans un pot d’échappement, et la tendance est toujours à la diminution) est une des réussites permettant à la fois de réduire l’utilisation d’un élément rare et de réduire le coût de la PàC. Les autres point cruciaux pour les industriels sur les PàC sont la densité de puissance (autour de 3 kW/kg[2]), qu’il convient d’augmenter le plus possible pour des applications embarquées (aéronautique par exemple), ainsi que la durée de vie pour atteindre des utilisations de plus 10 000h – 20 000h.
Le stockage au cœur des verrous technologiques
L’autre élément crucial dans le développement de l’économie de stockage est le réservoir. Qu’il stocke de l’hydrogène à haute pression ou basse température (ou les deux à la fois), de nombreux verrous technologiques et économiques existent. Les réservoirs haute pression réalisés en composite sont actuellement très coûteux (environ 5 000€ par kg H2 stocké. Cf. S. Eaves et J. Eaves, « A cost comparison of fuel-cell and battery electric vehicles », Journal of Power Sources, vol. 130, no 1‑2, p. 208‑212). Augmenter leur indice gravimétrique (masse d’hydrogène stocké sur masse totale) tout en abaissant leur coût est le principal obstacle. À terme, un coût de l’ordre de 400€ par kg H2 stocké pour de la grande série permettrait d’être compétitif dans le développement de nouvelles mobilités[2].
Pour les mobilités plus lourdes, l’annonce par Airbus du développement d’avions à hydrogène ZEROe souffle un vent nouveau sur le stockage de l’hydrogène sous forme liquide. Les réservoirs à hydrogène liquide peuvent emporter plus d’hydrogène que leur contrepartie gazeuse, tout en s’affranchissant des contraintes mécaniques élevées pour supporter les fortes pressions des réservoirs gazeux. La conséquence est une contrainte supplémentaire avec la température cryogénique (-250°C) de l’hydrogène liquide et ses effets sur la fragilisation des matériaux. Il est nécessaire de repenser et de concevoir des équipements à même de supporter ces températures. Cela passe par des nouvelles molécules pour l’élaboration de résines, de nouveaux ensimages et fibres pour des matériaux composites, de nouveaux revêtements, de nouveaux alliages, de nouvelles conceptions d’éléments existants (valves, tuyaux, etc.) avec des durées de vie importantes. L’industrie spatiale possède une expérience dans le domaine des basses températures qu’il est important de mettre à profit pour des applications aéronautiques ou d’autres applications embarquées, même si les ordres de grandeur de durée de vie sont bien différents entre l’aérospatial et l’aéronautique.
Une infrastructure de production à mettre en place
L’hydrogène étant un vecteur d’énergie et non pas une source d’énergie, il est nécessaire de le produire d’une manière ou d’une autre. Actuellement la quasi-totalité de l’hydrogène produit dans le monde l’est à partir de vaporeformage du méthane, c’est-à-dire du gaz naturel : un procédé émetteur de CO2 appliqué à une ressource non renouvelable. Obtenir de l’hydrogène renouvelable implique de disposer d’une ressource d’énergie renouvelable comme le soleil (cellules photovoltaïques) ou le vent (éoliennes) et d’utiliser l’électricité en sortie pour réaliser l’électrolyse de l’eau, pour produire de l’hydrogène et de l’oxygène. Le rendement de ces électrolyseurs est relativement bon (autour de 80%. Cf. M. Magnus Thomassen in « Novel materials and system designs for low cost, efficient and durable PEM electrolysers », p. 25), mais possède encore une marge de progression. Pour soutenir cette économie, l’Europe souhaite développer jusqu’à 40 GW de ces électrolyseurs d’ici 2050, ce qui implique de développer la même quantité de puissance installée d’énergie renouvelable.
Les défis les plus conséquents importants à relever pour la création de cette économie hydrogène sont de l’ordre de l’infrastructure de la production d’énergie renouvelable. L’Allemagne possède une installation conséquente, plus de 60 GW de puissance installée pour l’éolien et plus de 50 GW de photovoltaïque (vieillissant), soit presque le double de notre puissance installée nucléaire. La France, elle, possède actuellement environ 27 GW d’éolien et de photovoltaïque combinés (Cf. Emissions CO₂ de la consommation électrique en temps réel). L’économie hydrogène imposera donc de développer ces ressources énergétiques dont les coûts risquent d’augmenter avec la raréfaction des ressources énergétiques non renouvelables (il faut du pétrole et du gaz pour fabriquer et importer des panneaux photovoltaïques et des éoliennes). Une solution pourrait être le développement de nouvelles technologies de cellules photovoltaïques, ou le développement de la 4ème génération de centrale nucléaire et de la génération d’hydrogène par électrolyse à haute température, qui possède un bon rendement.
Actuellement, que ce soit le développement de nouvelles technologies pour la production d’énergie renouvelable ou bien le déploiement de solutions existantes, les verrous technologiques sont portés par une grande partie du tissu industriel français, mais aussi par ses politiques.
Un réseau à développer
L’implémentation de l’hydrogène au niveau du territoire soulève d’autres obstacles technologiques pour les industriels. Certaines applications utilisant l’hydrogène sont portées par des acteurs locaux avec des ressources énergétiques locales (présence d’une ferme éolienne ou solaire). Dans ce cas de figure, l’hydrogène gazeux se prête bien à ces applications, car la compression de l’hydrogène reste peu énergivore.
Image: Michael Ismar, NPROXX – Transport d’hydrogène par voie ferrée, Allemagne
Malgré tout, pour les régions moins bien loties au niveau de l’ensoleillement et moins ventées, le développement du transport de l’hydrogène reste à mettre en place, que ce soit par pipeline ou par un équivalent du camion-citerne. L’infrastructure existante de transport du gaz naturel pourrait être mise à profit pour le transport de l’hydrogène même si des efforts seront à réaliser sur le renforcement de ce réseau (fragilisation des aciers entre autres). Outre le transport, le développement de l’hydrogène ira de pair avec la création d’un maillage de stations-services sur le territoire. Cela nécessite l’adaptation de normes précises (déjà existantes en partie) et d’équipements adéquats.
Concernant l’hydrogène liquide, la liquéfaction est un processus énergétiquement coûteux dont l’efficacité diminue avec la petitesse de l’unité de liquéfaction (Cf. H. Leridon, « Chaire Développement durable – environnement, énergie et société: Année académique 2008-2009 », lettre-cdf, no 25, p. 9). Il faut donc imaginer de grandes stations de liquéfaction pour obtenir un rendement énergétique intéressant. Au-delà des acteurs locaux (station de remplissage), il reste à imaginer une semi–centralisation des moyens de liquéfaction autour de grands hubs industriels ou aéroportuaires. Des projets régionaux existent, notamment dans les pays nordiques, sur la création de hubs et d’infrastructures de transport d’hydrogène liquide, comme le projet européen HySHIP qui vise la création d’un bateau transportant de l’hydrogène liquide dans la région des fjords norvégiens. Similairement, le projet d’avions à hydrogène d’Airbus pourrait être la base pour la création d’un savoir-faire dans les technologies de l’hydrogène au niveau d’un tissu industriel dense de PME et d’ETI. Les retombées et les implications de ce savoir-faire seraient certainement un atout pour la suite du développement de cette économie.
L’hydrogène apporte donc son lot de promesses pour l’avenir, mais également ses conditions qu’elles soient de nature physique, technologique, économique ou encore politique.
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