Dans le débat sur la transition écologique, le secteur aéronautique est souvent pointé du doigt pour son impact environnemental. 

Cette tendance masque pourtant une réalité plus nuancée : l’aéronautique est l’une des rares filières industrielles à avoir défini une trajectoire claire vers la neutralité carbone d’ici 2050, une ambition que peu de secteurs peuvent revendiquer avec autant de précision.

À l’inverse, le transport ferroviaire, notamment les lignes à grande vitesse (LGV), bénéficie d’une image globalement positive. 

Cependant, une analyse approfondie du bilan carbone global des différents modes de transport, prenant en compte le cycle de vie complet, les usages réels et les perspectives d’amélioration, révèle des conclusions moins tranchées.

L’aéronautique : une filière engagée vers la neutralité carbone

Depuis plusieurs années, l’industrie aéronautique s’est engagée dans une transformation profonde pour réduire son empreinte carbone. Les objectifs sont clairs : atteindre la neutralité carbone en 2050, conformément aux feuilles de route établies par l’OACI, l’IATA et les principaux acteurs européens via des initiatives comme Destination 2050.

Les leviers identifiés comprennent notamment :

  • Les carburants d’aviation durables (SAF) : capables de réduire jusqu’à 80 % des émissions sur leur cycle de vie par rapport au kérosène traditionnel.
  • Le renouvellement des flottes : intégration d’avions plus sobres en carburant.
  • L’optimisation des trajectoires de vol : amélioration des procédures au sol et en vol.
  • Les recherches avancées : développement de technologies d’hybridation, d’électrification et d’utilisation de l’hydrogène.

Ces efforts se traduisent par des investissements massifs et des coopérations industrielles inédites. Chez Ametra, cette dynamique se manifeste par exemple par notre participation à des projets d’aviation plus électrique et des architectures hybrides. 

Le ferroviaire : un mode de transport à l’empreinte carbone plus complexe qu’il n’y paraît

Le transport ferroviaire est souvent évalué uniquement sur ses émissions opérationnelles, c’est-à-dire par passager-kilomètre en phase d’exploitation. Ce critère, bien que pertinent à court terme, occulte de nombreux impacts indirects.

La construction d’une ligne TGV implique notamment les points suivants :

  • Consommation massive de matériaux : à titre d’exemple, la construction de la ligne grande vitesse Sud Europe Atlantique a généré environ 2,4 millions de tonnes équivalent CO2, dont 40 % liés aux ouvrages d’art et 34 % aux terrassements.
  • Fragmentation des habitats naturels : les infrastructures linéaires comme les lignes à grande vitesse créent des ruptures dans les milieux naturels, ce qui entrave souvent les déplacements des espèces et perturbe les écosystèmes. Selon les données de Nature France, plus de 500 000 hectares de terres agricoles et naturelles ont été artificialisés entre 2006 et 2015 en France, dont une part importante pour des projets d’infrastructure. Cette fragmentation compromet la biodiversité, provoque l’isolement génétique de certaines populations animales et diminue la résilience des écosystèmes face aux changements climatiques.
  • Bilan carbone sur le cycle de vie : une étude menée sur la LGV Rhin-Rhône illustre bien cette complexité. Elle estime que, sur une durée de 30 ans, les reports modaux de la voiture et de l’avion vers le train permettraient d’éviter environ 3,9 millions de tonnes équivalent CO₂. Mais cet objectif suppose une fréquentation soutenue et un report modal réel, ce qui n’est pas systématiquement observé. Surtout, cet amortissement carbone s’étale sur trois décennies, tandis que les émissions liées à la construction de la ligne (terrassements, ouvrages d’art, béton, acier…)  sont immédiates et très élevées.

Ce dernier point montre bien que les infrastructures ferroviaires, même lorsqu’elles ont un potentiel de sobriété à long terme, reposent sur un pari d’usage, et que leur bénéfice environnemental n’est ni immédiat, ni garanti. Il souligne aussi la nécessité d’évaluer chaque mode de transport selon tout son cycle de vie, et non sur ses seules émissions opérationnelles.

Comparer ce qui est comparable : usages, trajectoires, temporalités

Comparer les bilans carbone de l’avion et du train en se limitant aux émissions par passager-kilomètre revient à réduire la complexité des systèmes de transport à un indicateur unique. Si cet indicateur a le mérite d’exister, il n’intègre ni la diversité des usages, ni le coût environnemental complet des infrastructures, ni les marges de progression technologique disponibles dans chaque filière.

Un trajet aérien type relie souvent des hubs nationaux et internationaux, parfois sans solution alternative réaliste. Le TGV, de son côté, dessert des zones plus densément peuplées, mais nécessite des infrastructures lourdes, linéaires, longues à construire, et coûteuses à entretenir. La densité de passagers, la fréquence d’utilisation et la maturité technologique ne sont donc pas comparables.

Par ailleurs, le train électrique en France bénéficie d’un mix énergétique décarboné, ce qui réduit mécaniquement ses émissions en phase d’exploitation. 

Mais cela ne reflète pas la situation d’autres pays, où le rail repose encore partiellement sur des sources fossiles. De même, l’aviation civile utilise aujourd’hui principalement du kérosène, mais se trouve à la veille d’un basculement vers les carburants durables (SAF), avec des objectifs chiffrés et un calendrier précis.

Il faut aussi intégrer la durée de vie des infrastructures : un avion a une durée d’exploitation d’environ 20 à 25 ans ; une ligne à grande vitesse implique un investissement à 50 voire 100 ans, avec un amortissement carbone lent et conditionné à des taux d’occupation élevés. Si la ligne est sous-utilisée, le bénéfice carbone attendu ne se réalise pas.

Enfin, les trajectoires technologiques ne sont pas équivalentes. Dans l’aérien, chaque nouvelle génération d’avion réduit de 15 à 20 % la consommation de carburant. La montée en puissance des SAF, les recherches sur l’hydrogène, les projets d’avion hybride ou plus électrique offrent des perspectives d’évolution encore considérables. Dans le ferroviaire, les gains à venir sont plus limités car le modèle est déjà mature sur le plan énergétique.

Comparer le train et l’avion ne peut donc se faire ni à iso-périmètre, ni à iso-temps

Une analyse complète exige donc de prendre en compte :

  • l’usage réel (fréquence, alternatives existantes),
  • le coût environnemental complet (construction, entretien, démantèlement),
  • la trajectoire de décarbonation engagée (et non uniquement les performances actuelles).

Et les autres modes de transport ?

S’il est courant de comparer le train à l’avion, il est également important de rappeler que la majorité des émissions liées au transport proviennent encore de la route

En France, le transport routier représentait près de 94 % des émissions du secteur en 2021, contre 4,7 % pour l’aérien et moins de 1 % pour le ferroviaire. Le fluvial reste marginal, mais offre des pistes intéressantes en logistique durable. Cette réalité rappelle que l’enjeu carbone se joue aussi — et surtout — sur l’ensemble du système de mobilité, et que la complémentarité entre modes est souvent plus pertinente que la substitution pure.

Soutenir l’innovation, plutôt que désigner des coupables

À l’heure où l’urgence climatique impose de faire évoluer tous les modes de transport, il est indispensable de soutenir les filières industrielles qui investissent pour changer. L’aéronautique n’est pas exempte d’efforts, mais elle avance, grâce à un cadre européen exigeant, des objectifs partagés, des moyens mis en œuvre à chaque échelon de la chaîne.

Le groupe Ametra a la chance d’accompagner des projets à fort impact dans plusieurs filières de transport — ferroviaire, aérien, spatial. 

Chaque mode répond à des besoins spécifiques, et chacun dispose de leviers d’amélioration différents, à son rythme et selon ses contraintes technologiques.

Cette diversité est une force. Elle permet d’éviter la tentation de la solution unique et de penser en écosystèmes complets, où les modes se complètent plutôt que de se concurrencer frontalement. Soutenir l’innovation dans toutes les directions (électrification, hybridation, intelligence embarquée) est la clé pour faire émerger des mobilités réellement durables.

Plutôt que d’opposer les modes, il est temps de poser les termes d’un débat honnête, fondé sur des analyses globales, des usages réels et des projets crédibles. La transition passera autant par l’évolution des technologies que par la rationalité des comparaisons. juste des transports.

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