Annoncé par la ministre des Armées Florence Parly lors du salon Euronaval qui s’est tenu en octobre 2018, le projet de futur porte-avions de la Marine nationale est particulièrement ambitieux. En complément d’une première phase d’étude de 2 ans, le calendrier prévoit une mise en service entre 2035 et 2039 (avec à priori de premiers essais en 2036), c’est-à-dire avec quelques années seulement de service en commun avec le Charles-de-Gaulle, qu’il est destiné à remplacer.
Ce PANG devrait rester en service jusqu’en 2080, à condition de pouvoir s’adapter aux nouvelles technologies et armes qui seront développées d’ici-là.
Les spécificités du porte-avions de demain
Ayant pour vocation d’accueillir le New Generation Fighter (NGF), l’avion de combat du futur au centre du SCAF (Système de Combat Aérien Futur), le porte-avions devra être capable d’accueillir des avions et munitions plus imposants que l’actuel Rafale, ce qui inclut donc un besoin en hangars et pont d’envol d’envergure plus importante. Est également intégrée la capacité à adapter ses installations aériennes à l’utilisation de nombreux drones prévus pour voler en formation avec le NGF, ainsi que la possibilité d’avoir recours à des catapultes électromagnétiques (à la différence des catapultes à vapeur du Charles-de-Gaulle) pour le lancement des aéronefs.
Avec ces données en tête, une nouvelle problématique apparaît : celle du choix du système de propulsion. Ce sera probablement l’option nucléaire qui sera mise en œuvre, plutôt que des moteurs traditionnels. Cette option allongerait néanmoins le temps de fabrication de quelques années.
Un choix stratégique crucial pour la France
Si le Charles-de-Gaulle est déjà une référence en la matière, Florence Parly l’a rappelé, ce porte-avions de nouvelle génération doit être “une véritable base avancée de notre Marine, aiguillon de notre innovation”.
Parvenir par exemple à opérer des drones depuis un navire militaire serait une première mondiale, même si la marine américaine y travaille dans le même temps.
Déjà au rang des pays les mieux équipés en matière de porte-avions et porte-aéronefs (au 2e rang mondial), pouvoir afficher un nouveau navire de ce type est un signal stratégique important et un atout diplomatique de taille.
La question de la puissance navale est en effet au cœur des enjeux qui entourent le porte-avions. Cet article des Echos le rappelle d’ailleurs : “devant une évolution des enjeux stratégiques – le terrorisme, l’émergence du nucléaire tactique qui a sonné le glas de la guerre totale, les États défaillants, la multiplication des Opex, l’élargissement des zones d’intervention, la nécessité d’un déploiement rapide, la compétition stratégique (…) aujourd’hui plus que jamais, la puissance de la France repose sur son porte-avions.”
Autre point important : pour mener à bien des frappes aériennes conséquentes dans le cas de la lutte contre le terrorisme, le porte-avions s’impose comme une solution fiable, robuste et de proximité qui permet de moins dépendre d’aérodromes prêtés et potentiellement cibles privilégiées des groupes terroristes.
Enfin, comme le souligne cet article de Mediapart, “un porte-avions et son groupe peuvent jouer facilement le rôle d’ambassades mobiles, permettant de porter partout le pavillon national, dans le vaste domaine maritime où la France exerce sa souveraineté, comme dans ceux des pays alliés souhaitant l’accueillir”
Notons pour conclure que le développement du savoir-faire français (source d’ailleurs d’opportunités commerciales à l’export à forte valeur ajoutée) et l’impact économique positif sur plusieurs régions du pays jouent aussi en faveur du PANG, notamment dans un contexte post-Covid tendu, où les filières d’emploi et les fournisseurs spécialisés ont plus que jamais besoin de projets d’envergure dans les années à venir. En mai 2020, la ministre a annoncé que le nouveau porte-avions serait construit à Saint-Nazaire, aux chantiers de l’Atlantique.
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image principale : Porte-avions de la Marine nationale française « Charles de Gaulle » (R91) le 24 avril 2019 © U.S. Marine Corps photo by Maj. Joshua Smith
Il n’y a que deux stratégies maritimes possibles pour les puissances militaires. Soit elles se considèrent avant tout comme des puissances maritimes (référence USA), soit elles se considèrent en premier lieu comme des puissances continentales (référence Russie). Le choix est principalement conditionné par la géographie et secondairement par la perception du voisinage.
Au plan maritime les stratégies se caractérisent l’une par l’offensive, l’autre par la défensive. Il est intéressant de noter que la conception de sa propre géographie peut évoluer de la défensive vers l’offensive lorsqu’est dépassé un seuil de puissance évolutif dans l’histoire : Rome au temps des guerres puniques, l’Angleterre sous le règne d’Elisabeth première, la Chine du vingt et unième siècle. L’évolution inverse se caractérise par une défaite navale qui entraîne le déclassement définitif d’une puissance maritime : Carthage après les défaites navales de la première guerre punique, l’Empire Ottoman après Lépante puis ultérieurement Navarin, L’Espagne après l’anéantissement de l’Invincible Armada, le Japon après Midway.
Aujourd’hui, la stratégie offensive se caractérise par des forces navales composées de groupes aéronavals constitués autour de porte-avions nucléaires d’attaque avec pour missions principales le contrôle de zones maritimes et l’intervention contre des objectifs terrestres, leurs forces secondaires étant armées de missiles contre la terre. La stratégie défensive impose, autant que possible budgétairement, des porte-avions en premier niveau défensif de leurs atterrages et, pour toutes les forces, des missiles anti navires à longue portée. La stratégie globalement défensive peut se doubler d’une sous-stratégie offensive vis-à-vis de voisins plus ou moins hostiles (Chine vs Taiwan, Corée, Japon, Philippines, Viêt-Nam ; Inde vs Pakistan).
Dans ce contexte, le rôle dévolu au porte-avions diffère assez profondément ce qui se traduit par des conceptions de navires, des parcs aériens et des concepts d’emploi bien spécifiques. La stratégie offensive favorise des bâtiments de gros tonnage, à propulsion nucléaire, pour opérer de longues catapultes et des barrières d’arrêt qui imposent des longueurs totales supérieures à 260 mètres pour les générations actuelles d’avions embarqués et au moins 290 m pour les futures générations avec des tonnages de 80.000 tonnes et plus (à un coût supérieur à 100 millions d’Euros le millier de tonnes). La stratégie défensive permet des unités plus petites, à propulsion plus classique et à tremplin d’envol pour des avions à décollage court avec des capacités d’emport réduites et une moindre distance franchissable. Le but pour ces derniers étant d’empêcher les porte-avions offensifs d’approcher suffisamment près de leurs côtes pour y lancer des raids aériens et globalement de tenir hors de portée les armements des unités offensives qui les accompagnent.
Un porte-avion a une durée de vie opérationnelle d’environ 40 ans après une période de conception, de construction puis de mise au point d’une quinzaine d’années au total. Comme tout bâtiment, il doit subir des périodes prolongées d’entretien, de réparation et de mise à niveau. Après chaque arrêt, il doit concéder une période de réadaptation de son équipage et de tests à la mer. Bien qu’il puisse être ravitaillé en cours d’opération, il doit rentrer à son port d’attache pour de nombreuses raisons. En temps normal, un porte-avion n’est en opérations qu’environ un tiers du temps, pouvant monter, pour une durée limitée, à un mi-temps en période de crise. Pour rester humble sur l’utilité des porte-avions on peut se rappeler que, très récemment, l’US NAVY n’a pu aligner qu’une seule unité en opération sur les onze en sa possession. De par sa taille c’est un type de navire peu vulnérable jusqu’à présent, encore que le vieillissant sous-marin français Rubis a réussi, au cours de récentes manœuvres, à s’infiltrer au cœur du dispositif d’une task force américaine neutralisant fictivement son porte-avion. La mise au point de missiles antinavires hypersoniques par les puissances défensives pourraient assez rapidement changer cette donne, avec quelques adaptations nécessaires sur les queues de trajectoires.
En tant que puissance maritime, l’Europe, Royaume uni compris reste inexistante. Non seulement elle ne possède pas la panoplie de navires correspondant à son rang en tant que « puissance » économique et volume de population, mais elle n’a aucune stratégie maritime cohérente. Chaque pays maritime a sa propre petite marine plus ou moins coordonnée aux objectifs des USA que lui fixe l’OTAN. Le seul point positif est que leurs marins sont entrainés à travailler ensemble dans des task forces de circonstances. Concernant les porte-avions, la France dispose d’une petite unité correspondant au type offensif, le Royaume Uni deux unités sérieuses à caractère défensif, l’Espagne et l’Italie deux unités modeste à caractère défensif plus une autre marginale pour ce dernier pays. Bien évidemment, compte tenu des caractéristiques, les rafales du PA français ne peuvent ni décoller ni apponter sur les autres PA européens. On constate la même disparité pour tous les types de bâtiments des marines européennes, avec des pléthores sur certains types et des manques absolus pour d’autres types.
Si l’Europe voulait devenir une puissance navale, il lui faudrait, bien sûr, standardiser tout cela. Mais le plus important et primordial serait de choisir entre une stratégie offensive et une stratégie défensive. Cela serait bien difficile car l’Europe est à la fois continentale, tournée principalement vers la Russie et maritime tournée vers tout le reste, y compris tous les autres riverains de la Méditerranée.
Notons d’abord que, sans le Royaume Uni, une stratégie offensive n’est guère possible. Bien que les zones d’intérêt maritimes soient communes à tous les européens, ce type de stratégie impliquerait la mise en œuvre de quatre groupes aéronavals, soit, compte tenu des indisponibilités, un minimum de 6 porte-avions de type offensif avec cinq parcs aériens de même composition (Atlantique nord, Méditerranée, Golfe Persique, Atlantique sud). Actuellement, aucune pression n’existe sur l’Europe pour développer une telle stratégie mais il est possible, sinon probable, que les choses changent et se dégradent en Méditerranée orientale et autour du Golfe Persique. Toujours dans le contexte actuel, une stratégie offensive sur ces deux théâtres peut être menée par nos différentes forces aériennes à partir de territoires alliés dans ces deux zones.
D’autre part et toujours actuellement, n’ayant à faire face à aucune stratégie maritime offensive, l’Europe ne se voit pas contrainte à développer une stratégie maritime défensive. C’est ce qui a conduit à l’absence de stratégie maritime qui résulte dans la disparité dénoncée ci-dessus. Or une marine c’est une entreprise du long terme, de l’ordre du demi-siècle. Ne pas avoir de stratégie est probablement suicidaire pour l’Europe et chacun de ses membres dans un monde où la technologie accélère les changements qui rendent la planification de cette stratégie encore plus difficile.
Dans ce contexte et par orgueil, La France a opté pour une stratégie offensive qui ne correspond évidemment ni à sa situation ni à ses capacités. Certes, à certains moments, aléatoires par rapport à sa politique extérieure, son porte-avions nucléaire lui permet de montrer ses ergots mais il lui fait complètement défaut en des périodes cruciales, obligeant à se replier sur les moyens de son Armée de l’Air (et maintenant de l’Espace) qui s’adjoint alors le parc des rafales marine disponibles. Pour le futur, l’Etat-major de la Marine Nationale continue de privilégier cette stratégie offensive qui obère toutes ses autres activités, entre autres la protection de la seconde zone d’intérêt économique en taille au monde. Cela n’aurait de sens qu’en s’inscrivant dans une stratégie offensive européenne dont on ne voit pas poindre la moindre émergence. Il est envisagé à nouveau la construction d’un PA nucléaire à un coût probable entre 7 et 10 milliards d’Euros ce qui conduit à limiter drastiquement le nombre des autres types de bâtiments et à négliger le développement de certains types d’armements (missiles hypersoniques). Une réelle inconnue réside dans le sourçage des catapultes. Cette stratégie nécessiterait un minimum de deux PA, voire 3 avec deux parcs aériens. Pour le coût d’un seul on pourrait développer une série de 6 à 8 sous-marins nucléaires d’attaque, dotés de missiles à longue/moyenne portée, tout aussi efficaces militairement comme diplomatiquement et/ou une série de 6 à 8 frégates pour protéger nos flux maritimes plus 2 à 3 porte-hélicoptères avec radier pour une présence plus efficace et les secours outremer.